Le prince aux pieds nus

Le Prince aux Pieds Nus s'ouvre sur la cellule glaciale d'un vieux moine, Williram, qui traduit avec un amour filial sans pareil Le Cantique des Cantiques pour son jeune prince Henri IV, empereur d'Allemagne dont Laura Mancinelli nous raconte le règne tourmenté sur fond de guerre des investitures en 1076 et d'âpre conflit avec le plus irréductible de ses ennemis, le pape Grégoire VII. Henri IV est proclamé roi, à l'âge de quatre ans et enlevé à sa mère dans sa douzième année par l'évêque de Cologne où il grandit aux côtés de Mathilde de Canossa pour qu'ils se préparent tous deux à leurs futurs métiers de monarque et de marquise ; Mathilde nourrit un amour secret pour son compagnon de jeux. Ce court roman vif repose entièrement sur ces deux héros qui doivent renoncer à l'amour comme à leur destin personnel afin de réaliser le mieux possible celui de l'empire germanique. Mathilde et Henri, soumis aux mariages arrangés, privés de félicité amoureuse et charnelle, se rencontrent à nouveau lors du pardon imploré au château de Mathilde par l'empereur devant le pape qui impose à l'empereur excommunié une pénitence de trois jours et trois nuits, pieds nus, vêtu d'une seule chemise de lin, debout dans la neige, au vu de tous. Mathilde intervient, en femme de pouvoir, avec un double objectif : redonner à l'empereur l'autorité impériale et en être aimée ; au travers du personnage de Mathilde, amante énigmatique et sensuelle, Laura Mancinelli dénonce avec subtilité l'aptitude du sexe féminin à donner le meilleur à l'homme qu'elle a choisi et à punir sans pitié celui qui ne répond pas à ses caprices. Peut-être dénonce-t-elle aussi la vengeance d'une femme sur un homme d'action vulnérable investi d'une grande mission. Ce roman nimbé de solitude et de mélancolie, mené avec verve par l'auteur, emporte le lecteur dans une intrigue politico-amoureuse au coeur d'un Moyen Àge séduisant mais d'où le bonheur est absent et aussi impalpable que le Liban du Cantique des Cantiques.